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AlgerieVision

14 mai 2012

Le monde revu et corrigé

monde ordreEn à peine deux décennies, les termes du débat sur les affaires du monde ont changé de registre, sans que l‘on s’en aperçoive vraiment.  Imperceptiblement, de nouveaux concepts ont fleuri, très simplifiés par ailleurs,  tout en donnant l’impression que certaines situations, bien choisies, sont plus complexes qu’elles n’en ont l’air que d’autres. Par Ahmed Halfaoui


Dans la foulée, il faut bien sûr observer une reconfiguration magistrale des rapports entre les nations et à l’intérieur d’elles. Ce phénomène a été accompagné et renforcé par une expansion fulgurante des moyens de télécommunications, dont la télévision satellisée et l’Internet. Le nombre de personnes qui échappait à l’information mondialisée  s’est  réduit à sa plus simple expression. Cette information est si massive et si rapide dans sa diffusion qu’elle ne laisse plus le temps à sa « digestion ». C’est fait pour. Elle est bien enveloppée, très colorée, uniforme et dispense de la réflexion, qui elle aussi est servie sur un plateau (sans jeu de mot) pour ceux qui en ont besoin.

Des spécialistes télévisés viennent invariablement mâcher l’actualité pour des esprits « cathodisés ».   On est loin du temps où on s’échangeait les nouvelles en groupes d’amis ou en famille, après avoir les avoir lues et décortiquées dans un journal ou dans une revue. Les espaces d’échanges traditionnels ont rétréci ou ont disparu, partout où ils réunissaient les gens et leur permettaient de parler et de se construire des idées partagées.

Désormais, on est seul face à un flot ininterrompu d’images et de son que répandent  de gigantesques centrales de production de l’information. Difficile dans ces conditions de discerner valablement quoi que ce soit, même quand si nous prenons le temps de nous arrêter pour vérifier ou pour comprendre. Et puis le bruit est tellement fort qu’il est presque impossible de s’entendre soit même. Alors, nous nous laissons aller à l’air du temps et à ne plus chercher à affronter les murailles de l’incompréhension. C’est tellement plus simple et puis cela évite cet effort insurmontable de devoir refaire le monde.  Il est si facile de se laisser glisser dans la doxa ambiante et de ne pas trop en faire, que les voix discordantes sont devenues de moins en moins nombreuses, après avoir été de moins en moins audibles. Et puis, il y a cette formidable inversion des rôles qui a brouillé tous les repères. Il n’y a pas si longtemps nous savions qui étaient les méchants et qui étaient les bons. 

Nous savions que le problème des droits de l’homme était lié à l’oppression coloniale ou à la volonté de domination  de pays identifiés comme portés sur les dénis de ces droits. De leur côté, ils niaient. Mais sans plus, car ils ne pouvaient faire en sorte que tout le monde ne voient pas ce qu’ils faisaient.  Depuis, ils font toujours ce qu’ils faisaient, et à plus grande échelle, mais il ne se trouve plus grand monde pour les contredire, quand ils disent que c’est au nom des droits de l’homme qu’ils agissent. Ils ont même fabriqués une flopée d’intellectuels qui défendent ce qu’ils font tout en faisant en sorte que ceux qui disent le contraire ne soient pas visibles.

Pour autant que ces derniers ne s’emmêlent pas   les cerveaux dans la nouvelle distribution des cartes. A ce titre, il leur serait difficile d’expliquer que l’hostilité des puissants contre l’Iran n’a rien à voir avec le fait que le gouvernement iranien puise dans l’idéologie islamique, mais avec la restructuration du Moyen Orient au profit du redéploiement Etatsunien et de l’érection d’Israël comme seule puissance régionale. Même si on peut arguer que Obama se nourrit de la religiosité de son peuple et qu’Israël revendique sa légitimité à partir de la Torah. Dur,  alors, de sortir de ce décor hollywoodien qui impose une réalité en carton pâte, avec d’un côté les méchants musulmans et de l’autre des missionnaires de la paix et de la justice. Surtout quand les musulmans, au pouvoir, jouent le jeu de s’échiner à prouver que l’Islam est une religion de paix, comme si le fait de vouloir se défendre impose de  ne pas avoir de religion. Surtout, encore, que  certains mouvements populaires de résistance appuient la thèse que l’oppression qu’ils subissent relève de la religion.

Quand le Hamas et certains de ces soutiens considèrent que l’agression israélienne s’inscrit dans la guerre, immémoriale, entre l’Islam et la judéité ou la Chrétienneté, ils étouffent à souhait les données de l’occupation et confirment la thèse du « choc des civilisations ». Une thèse qui procède de la volonté  de masquer la réalité des   faits et d’occulter la domination, dans les faits, de la « civilisation du marché ». La  preuve étant faite, que la répression sanglante et criminelle dans la bande de Ghaza ne vise pas des opprimés mais une idéologie guerrière absolue, détachée de la tragédie du peuple palestinien.  La même stratégie est en voie de porter ses fruits en France, par exemple, ou le terme d’islamophobie a remplacé  celui, plus concret et plus opérationnel, de ségrégation raciale ou sociale.

La droite et l’extrême droite, en pointant l’Islam, sont en train de réussir à déplacer la confrontation sur le terrain religieux, grâce à l’acceptation de cette entourloupe par les « communautés » ciblées, qui s’échinent à prouver qu’il y a « un Islam de France » expurgé et intégré. Les défenseurs des droits des « immigrés » tombent, ainsi, majoritairement dans le piège tendu. Au lieu de s’en tenir aux faits de société qui eux parlent mieux que tous les discours, religieux ou pas, ils compliquent leurs arguments en ouvrant un front contre « les extrémistes islamistes», pour tenter de convaincre, ou se mobilisent autour de questions de mode de vie (foulard, lieux de prière…). Pendant ce temps, les droits qui relèvent plutôt des principes d’égalité entre les citoyens sont négligés, faute d’énergie. Passer son temps à courir derrière chaque déclaration venimeuse est devenu le quotidien de la plupart des militants et les déclarations se font désormais par salves quotidiennes. Un combat inégal qu’il sera dur de gagner. Parce qu’un concept porte, en lui-même, sa force ou sa faiblesse. Après qu’il soit devenu presque honteux d’utiliser certains mots comme capitalisme ou impérialisme, il faudra souffrir longtemps de supporter le langage qui tue derrière le sourire  et tant que le souci de composer l’emportera sur celui de dire vrai, pour autant que l‘intoxication n’ait pas trop pris de ce qui reste de libre-arbitre  dans la lecture du réel.

Ahmed Halfaoui

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9 mai 2012

Flambée des prix : une seule solution, l'échelle mobile des salaires

grève cévitalSi ne pas être au chômage constitue une chance pour beaucoup, travailler donne de moins en moins la possibilité de vivre décemment, en particulier pour les salariés les moins qualifiés, en CDD, contrats d’intérim, CNE, travail à temps partiel subi, etc. Aujourd’hui, la France compte plus de 7 millions de pauvres, au sens des critères retenus par l’union européenne - 60% du revenu médian, soit environ 780 € par mois - et 2 540 000 personnes sont payées au SMIC.


30 % des salariés à temps plein (hors intérim) touchent un salaire inférieur à 1,3 SMIC (moins de 1 630 € bruts par mois). Moins mal lotis, mais loin d’être aisés, près de la moitié de l’ensemble des salariés, soit 8,5 millions de personnes, touchent entre 1,3 et 2 fois le SMIC (soit entre 1 630 € et 2 500 € bruts par mois).

Depuis la suppression de l’échelle mobile des salaires au début des années 80, le niveau réel des salaires baisse régulièrement. Un tel dispositif indexant les salaires sur l’indice des prix et visant à maintenir le pouvoir d’achat des salariés était une vieille revendication du mouvement syndical mais elle ne semble plus aujourd’hui d’actualité, ni pour les organisations syndicales, ni pour les partis politiques...

Chaque année, c’est à peu près le même scénario qui se produit : les pouvoirs publics et le patronat proposent, dans les secteurs public et privé, un pourcentage d’augmentation des salaires inférieur à l’indice des prix, les organisations syndicales soumettant, quant à elles, un pourcentage supérieur.

Puis, dans un second temps, souvent après quelques manifestations ou grèves, les pouvoirs publics et le patronat, faisant mine de reculer, proposent un pourcentage d’augmentation supérieur à celui proposé initialement mais cependant toujours inférieur à l’inflation !

Ce scénario se reproduit ainsi, cahin-caha, depuis le début des années 80, alors que la protection du pouvoir d’achat des salariés devrait dépendre d’un mécanisme précis, s’appliquant de façon automatique chaque année, au même titre que l’indexation de certains avantages sociaux ou prestations familiales.

C’est en 1982, sous la présidence de François Mitterrand, que la gauche a opéré un tournant historique. Voulant lutter contre l’inflation, le blocage des salaires et des prix fut imposé de juin à novembre.

Dans la fonction publique, l’Etat bloqua les salaires qui avaient suivi l’évolution des prix les années précédentes. Il incita ensuite les employeurs du secteur privé à faire de même, en les invitant à faire évoluer les salaires en fonction non de la hausse réelle des prix, mais du taux d’inflation "prévu" par le gouvernement.

Les clauses d’indexation des salaires sur les prix furent une à une retirées des conventions collectives dans les années qui suivirent. Elles étaient de fait considérées comme illégales depuis une ordonnance d’Antoine Pinay en 1959, mais après mai 1968, elles réapparaissaient dans certaines conventions.

Puis les lois Auroux ont réaffirmé leur interdiction dans le Code du travail, article L.141-9 : "Sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords."

En 1983, Jacques Delors, ministre de l’Economie et des Finances, décida de deux plans d’austérité et le pouvoir d’achat des salariés commença à diminuer régulièrement, l’échelle mobile des salaires ayant été supprimée sans pour autant que le chômage diminue.

Aujourd’hui, outre la revalorisation annuelle du SMIC (3,05% d’augmentation au 01/07/06 donnant 1254 € bruts pour 35 heures hebdomadaires), les salaires évoluent en pratique :

- soit à l’occasion d’une négociation individuelle entre l’employeur et le salarié ;

- soit au cours de négociations conclues entre les partenaires sociaux.

Lorsqu’un accord est conclu, un avenant s’ajoute à la convention collective et s’applique à tous les employeurs concernés, après parution d’un arrêté ministériel. Des accords peuvent également être prévus dans le cadre de l’entreprise. Ils se superposent alors aux conventions collectives, ce qui signifie qu’ils ne peuvent en aucun cas prévoir des salaires inférieurs à ceux déjà fixés par la convention collective.

Si les salaires les plus bas sont automatiquement réévalués en fonction du SMIC, ces augmentations n’entraînent pas, par contre, la réévaluation des salaires supérieurs à cette rémunération minimale. En effet, la loi interdit la réévaluation automatique des salaires en fonction du SMIC ou de tout autre indice. Cette pratique, renouvelée chaque année, tasse de plus en plus les grilles hiérarchiques vers le bas...

Mais la situation des salariés est aussi aggravée par un indice officiel des prix à la consommation qui ne reflète pas la réalité.

Aujourd’hui, en vue des négociations salariales 2007, les directions d’entreprise s’appuient sur le chiffre officiel de l’inflation, environ 1,5%, pour négocier comme d’habitude a minima. En réalité, la hausse des loyers autorisée par le tout nouvel indice de référence des loyers (IRL) est de 3,19% et l’augmentation des prix des produits alimentaires se situe entre 1,7% et plus de 3,6% !

En fait, même si les prix des produits manufacturés restent maîtrisés (diminution de 0,10%), la mesure de l’inflation ne concerne que les prix à la consommation. Cet indice ne dit donc rien, par exemple, de la fiscalité, et gageons qu’entre impôts directs et indirects, la fiscalité augmentera de plus de 1,5% !

Enfin, même pour la consommation, quand un nouveau produit est mis en vente, l’augmentation de prix par rapport au produit ancien n’est pas intégré dans l’indice.

L’indice des prix calculé par l’INSEE est d’autant plus fantaisiste qu’il n’a jamais intégré l’augmentation des prix camouflée par les « arrondis » opérés nettement à la hausse après le passage à l’euro et par un blocage ou une diminution de salaires liés au passage aux 35 heures dans la plupart des entreprises.

Afin d’enrayer l’érosion continue du pouvoir d’achat des salariés, il est donc urgent de réintroduire un système d’indexation des salaires à l’indice des prix, car l’inflation, même si elle est plus faible aujourd’hui que dans les années 80, touche en priorité les salariés et les couches sociales les plus fragiles.

En ayant négligé le problème de la défense du pouvoir d’achat, tous les gouvernements successifs, depuis 1983, ont une lourde part de responsabilité dans les difficultés que rencontrent aujourd’hui des millions de personnes.

Mais ceci n’a pas l’air de sauter aux yeux de nos femmes et hommes politiques...

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